le journaliste spécialisé, quelle situation en droit marocain ?
Introduction :
“ « …Les médias constituent, à leur tour, un partenaire clé pour ancrer et consacrer les valeurs de citoyenneté positive. Aussi tenons-nous sincèrement à les voir s’acquitter au mieux de leur noble mission en matière d’information et de sensibilisation de l’opinion publique et d’affermissement de la démocratie …A cet égard, Nous appelons instamment le gouvernement et l’ensemble des acteurs concernés à plus de diligence dans la mise en place d’un nouveau dispositif juridique permettant d’assurer la réforme et la mise à niveau de la presse, de sorte qu’elle puisse remplir sa mission dans la consolidation du principe de la citoyenneté responsable, à l’instar de celle qu’elle a remplie naguère pour attiser et entretenir la flamme du nationalisme et du patriotisme.» Extrait du discours du Sa majesté le Roi Mohamed VI à l’occasion de la fête du trône -30 juillet 2005.
Le printemps arabe a montré au monde, d’une manière éclatante, l’aspiration irrémissible et universelle des peuples pour la liberté, la justice et la vérité. Mais comme l’histoire l’a montré, c’est un combat sans fin. Un État ne peut établir sa légitimité dans le maintien de l’ignorance, dans la corruption des lois, dans le mépris des droits.
La Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 est considérée comme la référence en matière du droit international concernant les droits de l’homme, liant tous les États comme un droit coutumier. L’article 19 de la DUDH garantit le droit à la liberté d’expression et d’information selon les termes suivants : « tout individu a le droit à la liberté d’opinion et d’expression ce qui implique le droit de ne pas inquiété pour ses opinion et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations des frontières, les informations et les idées par quelques moyens d’expression que ce soit ».
Les différentes constitutions qu’a connues le Maroc ont proclamé la liberté de presse. La nouvelle constitution l’a également garantie dans son article (25)[1], en reconnaissant à l’ensemble des citoyens le droit d’exprimer et de diffuser librement des informations, des idées et des opinions dans le respect des limites prévues par la loi. La constitution interdit même la censure (art. 28)[2]
La liberté d’expression est fondamentale en soit mais elle est aussi indispensable pour la garantie des autres droits et libertés. Dans ce sens, la constitution marocaine garantit, entre autres choses la liberté d’expression dans ces termes :
La constitution garantit à tous citoyens :
- la liberté d’opinion et la liberté d’expression sous toutes ses formes et la liberté de ré
- la liberté d’association et la liberté d’adhérer à toute organisation syndicale et politique de leur choix.
Le Code de la Presse en vigueur au Maroc a été adopté en 1958 (Dahir no 1-58-378 du 3
Joumada I 1378 (15 Novembre 1958) formant le code de la presse qui règle le domaine du journalisme et la profession du journaliste (droits et obligations), définit les infractions lors l’exercice du journalisme ; ainsi que les poursuites et la répression des personnes responsables des crimes et délits commis par la voie de la presse.
Le journaliste dispose dans les démocraties confirmées d’un rôle absolument fondamental. Il a pour mission de collecter, traiter, analyser et diffuser l’information afin d’éclairer le citoyen sur le déroulement de la vie publique. Il doit, afin que l’information soit la plus objective possible, pouvoir exercer sa profession de manière libre et indépendante.
Autrement dit, Un journaliste est une personne dont la profession est de rassembler des informations, de rédiger un article ou mettre en forme un reportage afin de présenter des faits qui contribuent à l’actualité et l’information du public.
Un journaliste peut être généraliste comme il peut être spécialisé dans un domaine déterminé.
Avec l’apparition des journalistes spécialisés, une certaine différence au niveau des pratiques de ces derniers et de celles des journalistes généralistes apparaît. Les manières d’écrire et de publier des informations en provenance de plus en plus d’institutions publiques et privées se différencient aussi.Les dirigeants de la presse tendent au recrutement des journalistes spécialisés dans différents domaines. Cette préoccupation s’inscrit dans le cadre de nouvelles logiques des médias visant à faire évoluer l’information.
Selon la loi, « le journaliste est celui qui exerce sa profession »; en France comme au Maroc il n’y a donc pas de définition de la nature de l’activité exacte du journaliste.Ce manque de définition renvoi à la jurisprudence auquel il revient la mission d’éclaircir le statut juridique du journaliste et sa nature.
L’activité du journalisme correspond à un travail intellectuel visant à« mettre à la portée des lecteurs des informations susceptible de les intéresser ».
l’article 1 de la loi 21.94 définit journaliste professionnel comme suit : « est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession, dans une ou plusieurs publications, quotidiens ou périodiques édités au Maroc, dans une ou plusieurs agences d’information ou dans un ou plusieurs organismes de radiodiffusion, dont le siège principal est situé au Maroc. Ils sont appelés ” entreprises de presse ” dans la suite du texte».
D’après une première lecture de l’article précédent, le texte donne une large définition et ambiguë au journaliste (professionnel), ce qui donne la possibilité d’attribuer la qualité de journaliste aux candidats venus de différentes spécialités. De même, cet article ne fixe nullement les conditions d’exercice de la profession du journaliste (conditions objectives : possession des diplômes de spécialité, Et les conditions/qualités subjectives ????…)
En Outre, l’absence de distinction entre le journaliste généraliste et le journaliste spécialisé.
Un journaliste spécialisé a le rôle d’expliquer, de simplifier et de permettre aux lecteurs de saisir l’information publiée concernant un tel secteur d’activité. Loin d’être un médiateur du savoir et un acteur social, rapporte objectivement les évènements et “la complexité de la réalité”.
Selon une étude maghrébine effectuée (publiée sur le site de Transparency international), déduit que l’absence de presse spécialisée est du à la difficulté d’accès à l’information publique (le droit d’accès à l’information reste un droit méconnu).
L’évolution des pratiques de journaliste, de l’information en provenance des institutions et de la spécialisation, invite à s’interroger sur les compétences, le professionnalisme et le savoir-faire du journaliste d’aujourd’hui. au Maroc, la définition d’un journaliste professionnel n’est pas acceptée comme synonyme de compétence et de spécialité, mais ce sont d’une part le décret du Dahir n°1-58-378 du 3 joumada I 1378 (15 novembre 1958) formant code de la presse au Maroc, inspiré par la loi française du 29 mars 1935, qui précisent le statut des journalistes.
Le législateur définit le statut des journalistes en tant que catégorie professionnelle sans préciser pour autant ce qu’il en est de l’activité journalistique, de ses acteurs, de ses nouveaux entrants, etc. C’est pourquoi il existe un décalage entre la définition législative, et ce qui se passe réellement au niveau de la profession. La réalité montre que la profession est exercée par plusieurs acteurs qui n’ont parfois rien à voir avec le métier et qui n’ont aucune formation spécialisée en journalisme, sur lequel s’articule l’importance de notre sujet.
La problématique :
La spécialisation n’est elle pas un obstacle à la liberté d’expression et la liberté de travail. La liberté de choix. ….?
Comment la presse en général et la presse spécialisée en particulier peuvent-elles se développer quand, dans un pays, quand il n’existe aucune loi permettant l’accès aux informations ?
Sous l’angle d’une limitation de la spécialisation dans le domaine journalistique, est-il possible de juger un journaliste « spécialisé » légalement pour les infractions (fautes) commises lors de l’exercice de son travail, se basant sur la crédibilité et la transparence des « News » et les écrits abordées ?
Partie 1: Le statut juridique du journaliste en droit marocain.
Favorisés par une révolution « technetro-nique » sans précédent et stimulés par une soif d’information qui ne décroît pas, les médias connaissent actuellement une phase de mutation de grande ampleur. Ce qui n’est pas sans conséquences sur le travail “dans” les médias : le journalisme. Ce dernier a connu au cours des dernières décennies une explosion telle qu’il est devenu pour certains le « métier du flou »[3].
A première vue, il consiste à rechercher l’information et à la diffuser sous forme brute. Deux tâches centrales qui aident à définir le métier de journaliste et, partant, à préciser son statut juridique. Mais voilà, les journalistes ne sont plus les seuls à “faire” dans l’information et celle-ci touche à des domaines de plus en plus variés comme la politique, les finances, les spectacles, le sport, la critique, les sciences, le marché de l’occasion, les mondanités, etc. Bref, les journalistes sont si nombreux et surtout si divers qu’il est bien difficile pour le législateur de les concevoir comme une seule et même profession.
-Établir un texte pour représenter tout ce monde n’est pas chose aisée (Charon, 7990).Aussi, le statut de journaliste est-il à double tranchant. Il peut aussi bien être utilisé pour museler les journalistes que pour garantir leurs droits. Et si en France, en Tunisie, au Maroc ou en Egypte, le ” salut social, des journalistes passe par une intervention du législateur (Guery, 7995), ailleurs il est perçu différemment. Dans les pays comme l’Espagne ou l’Italie, nations ayant connu naguère la dictature, la réglementation héritée des années de plomb est remise en cause: en Espagne, parce qu’elle date du temps de Franco et qu’elle est désormais contraire à la nouvelle constitution ; en ltalie, parce que l’organisation des journalistes sous forme d’ordre professionnel- qui date du temps de Mussolini, avec examen d’accès au dit ordre[4] – a donné lieu à des pratiques répréhensibles (Pouthier, 1992). Dans les pays anglosaxons, réglementer la profession de journaliste n’a pas de. sens[5] et cela serait contraire aux normes constitutionnelles. Aux Etats-Unis, le premier amendement à la Constitution interdit au législateur d’intervenir dans le domaine de la liberté d’expression. Et de là, il est inconcevable d’assujettir les journalistes à un quelconque statut (Dlltz, Holsinger,7994).
-Au plan international, les conditions de vie et de travail des journalistes préoccupent aussi bien des organisations non gouvernementales (FII et OID) que des organisations internationales (Conseil de l’Europe, OIT et UNESCO). Toutefois, si le Conseil de l’Europe et
I’UNESCO ont essayé d’améliorer la protection des correspondants de presse étrangers (Muller, 1978) et des correspondants de presse en temps de guerre (Bujard, 7978), ils n’ont jamais recommandé de statut juridique à leur usage. Les quelques règles qu’ils avaient préconisées visaient beaucoup plus à faciliter le travail des journalistes qu’à les doter d’une carte ou d’un statut professionnel. LOIT a réclamé, depuis son premier rapport sur la profession[6] a de meilleures conditions de vie et de travail pour les journalistes. Mais elle n’a jamais conseillé de statut juridique pour eux. Si la Fédération internationale des journalistes de Genève, puis de Bruxelles[7] et l’ex-Organisation internationale des journalistes de Prague[8] ont pris la défense des journalistes, chacune à sa façon, elles n’ont pas établi de statut standard à l’usage de leurs membres.
Au Maroc, les journalistes dits professionnels sont assujettis au dahir (décret royal) du 18 avril 1942 tel qu’il a été modifié par le dahir du 3 janvier 1958 [9] et complété par le dahir du22 février 1958[10].I1est en partie copié sur la loi française du 29 mars 1935, mais sans en reprendre les modalités d’application ni les mêmes structures de gestion. Ce qui en dit long sur l’esprit du texte. Pour l’appréhender du temps du protectorat français (1912-1956) et du temps de l’indépendance du Maroc, il est nécessaire de se débarrasser de beaucoup de préjugés académiques et de lier l’analyse aux données du régime politique marocain et à son administration. La législation actuelle quadrille tout, mais elle tait plus qu’elle ne révèle, elle contourne les questions plus qu’elle ne les traite…
Cette réglementation – qui fait le bonheur des journalistes français compte tenu des avantages qu’elle institue en leur faveur [11]– est différement appréciée au Maroc. Et pour cause, elle n’est pas appliquée de la même façon qu’en France (pays d’origine du texte), qu’il s’agisse de l’État marocain, de l’employeur ou des journalistes nationaux eux mêmes.
Pour tenter de brosser un portrait réaliste – et actuel – de la profession de journaliste au Maroc, nous étudierons d’abord les conditions d’attribution de la “qualité” de journaliste professionnel, puis les particularités du dahir du 18 avril 7942 avant de nous intéresser au statut social du journaliste marocain.
Section 1 : Définition légale du journaliste professionnel au Maroc
Au Maroc, l’attribution de la qualité de journaliste professionnel ne découle pas d’un simple constat de l’exercice d’une activité, fût-ce à titre de directeur, de rédacteur en chef ou d’éditorialiste notoire dans une entreprise de presse. Le dahir du 18 avril 1942, tel qu’il a été modifié par la suite, prévoit en son article 1 des conditions précises pour l’obtention de la carte de journaliste professionnel.
- Travail intellectuel I rédactionnel lié à l’actualité
Le personnel d’une entreprise de presse désireux d’avoir la qualité de journaliste professionnel se doit d’exercer une activité intellectuelle liée à l’actualité. C’est-à-dire qu’il doit travailler dans un service de rédaction par le son, l’image ou l’écrit et que cela doit consister à rechercher, mettre en forme ou en perspective, présenter, analyser ou commenter des nouvelles, évènements ou faits d’actualité[12]. Ce qui inclut beaucoup de salariés comme les caricaturistes, les chroniqueurs, les commentateurs, les rédacteurs de bandes dessinées, les envoyés spéciaux, les reporters, les correspondants, etc. Ce qui exclut aussi de la qualité de journaliste les chauffeurs-livreurs-coursiers d’une entreprise de presse, les appariteurs, les agents de publicité, les techniciens d’imprimerie, les directeurs “honoraires”, les consultants, les documentalistes, les nouvelistes, les essayistes et les écrivains d’œuvres de fiction[13].
- Importance de l’occupation / rétribution
Pour prétendre à la qualité de journaliste professionnel, il ne suffit pas à une personne de collaborer à un organe de presse ou de lui attacher ses services comme bon lui semble. Le paragraphe 1 de l’article 1 du dahir du 18 avril 1942 exige que le journalisme soit « l’occupation régulière et rétribuée » de la personne.
Il est loisible à un fonctionnaire ou à un salarié qui a la “vocation” journalistique de satisfaire son hobby et d’arrondir ainsi ses fins de mois, mais cela ne lui confère pas pour autant la qualité de journaliste professionnel parce qu’il doit en tirer le principal de ses ressources. Ce qui exclut donc les professeurs universitaires, les parlementaires, les hommes d’affaires, les artistes et les écrivains qui vivent des revenus de leur profession principale et exercent le métier de journaliste de façon accessoire. Cela exclut aussi les hommes politiques, les retraités, les fortunés de toutes sortes et autres hommes et femmes d’expérience qui ont des revenus substantiels “hors média” , c’est-à-dire supérieurs à ce qu’ils tirent de leurs piges, même s’ils exercent le journalisme de façon régulière[14].
Par ailleurs, le paragraphe 2 de l’article 1 du dahir de 1942 prévoit que le correspondant d’une publication ou d’une agence d’information ne peut prétendre à la qualification de journaliste professionnel que s’il reçoit des « appointements fixes ». Autrement dit, il doit percevoir, à longueur d’années, un salaire fixe régulier, sans quoi il sera écarté du bénéfice de la carte professionnelle. Ce qui, dans les faits, permet à un employeur mal intentionné de se décharger légalement du versement de toute indemnité de licenciement à un journaliste pour lequel il aurait pris, d’avance, le soin de ne pas accorder un salaire au montant régulier.[15]
Pour tenter de corriger les conséquences regrettables de ce critère « d’occupation principale régulière et rétribuée » avec des « appointements fixes » qui constituent « le principal de ses ressources », le législateur français a, par une loi du 4 juillet 1974, revu cette condition en stipulant que le journaliste se doit seulement de tirer de sa profession « le principal de ses ressources nécessaires à son existence »[16]. Ce qui permet à des journalistes ayant de bons revenus extra-professionnels (pensions, retraites, dividendes, rentes de toutes sortes) de bénéficier de la carte de presse, même si les revenus qu’ils tirent de leur activité journalistique sont assez modestes par rapport au reste.
- Nature de l‘organe de presse qui emploie le journaliste
Le salarié, le rédacteur, le directeur, le maquettiste ou designer d’un journal d’entreprise, d’une publication pornographique, d’un journal d’annonces gratuit, d’un bulletin de liaison, etc., peuvent-ils prétendre à la qualité de journaliste professionnel ? La réponse n’est pas si simple parce que si l’organe pose problème quant à sa “nature”, le travail peut y être rédactionnel et lié à l’actualité.
La jurisprudence française a donné une réponse en faisant une distinction entre « journaliste professionnel » travaillant nécessairement dans une entreprise de presse qui édite une publication au sens de l’article L761-2 de la loi de 1935 et « journaliste d’entreprise » travaillant pour une publication interne, d’annonces ou autres[17]. Le premier peut prétendre au bénéfice du statut, de journaliste, le deuxième non.
Pour surmonter cet obstacle, certains organes de presse concernés par cette exclusion font valoir que l’obtention d’un numéro d’inscription à la Commission paritaire des publications et agences de presse est un élément légal, un atout qui devrait en principe favoriser leurs salariés pour le bénéfice de la carte de presse. La France pratique un régime d’aide à la presse sélectif et strictement réglementé. Il ne profite qu’aux « entreprises exploitant soit un journal, soit une revue mensuelle ou bi- mensuelle consacrée pour une large part à l’information politique »[18].
D’où l’interprétation optimiste des organes de presse disposant d’un numéro auprès de ladite commission. Le Conseil d’État a fini par trancher en considérant que ce critère n’a aucune valeur légale au regard de la loi du29 mars 1935.[19]
Au Maroc, la lettre royale du 19 décembre1996 institue une aide à la presse écrite : don royal et subventions indirectes [20]. Mais ce régime d’aide n’étant pas encore réglementé par un texte de droit et n’ayant pas encore donné lieu à un contentieux soumis aux tribunaux, on ne peut en conclure que les salariés-correspondants, rédacteurs, envoyés spéciaux, etc., des entreprises qui en bénéficient sont automatiquement des journalistes professionnels ou non.
- Personnels assimilés
Sur la base des trois critères précédents, communs aux textes français et marocains, le journaliste est un salarié qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice d’une activité principalement rédactionnelle, de recherche, de traitement et d’analyse, de faits de tous genres liés à l’actualité pour le compte d’une publication ou d’une entreprise de presse[21].
Il en résulte l’exclusion de nombreux pigistes (free lance) qui ne peuvent prétendre à la qualité de journaliste professionnel parce qu’ils ont des revenus irréguliers et collaborent souvent à plusieurs organes de presse en même temps. Pour pallier cette conséquence, dommageable pour les collaborateurs qui veulent conserver leur liberté d’action, le législateur a/ en vertu de la loi du 4 juillet 1974, élargi la qualité de journaliste professionnel à toute personne ayant pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans « une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ».
Ce complément de définition a été repris, 21 ans après, par le législateur marocain. Le dahir du 22 février 1995 élargit, dans les mêmes conditions, le statut de journaliste professionnel aux free-Iances. mais si en France, cette disposition répond aux revendications de milliers de personnes qui, de plus en plus, s’installent à leur propre compte et proposent leurs services à plusieurs organes de presse en même temps, au Maroc, pour des raisons politiques et administratives, le journalisme indépendant n’est pas encore chose courante[22].
Par ailleurs, le statut de journaliste professionnel était limité au personnel de la presse écrite et agence de presse. L audiovisuel ayant été en France – et étant toujours au Maroc – sous tutelle de l’État, les employés de la radio et de la télévision, ORTF en France et RTM au Maroc, étaient justiciables du seul statut de la Fonction publique qui ignore les particularités du métier de journaliste. La loi du29 juillet 1982, confirmée par celle du 30 septembre 1986 relative à ” la liberté de communication audiovisuelle ” a mis fin à cette situation en stipulant que « les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle ont la qualité de journalistes professionnels au même titre que leurs homologues de la presse écrite »[23].
Au Maroc, le dahir du22 février 1995 a repris cette démarche et élargi la définition au personnel de la radio et de la télévision (ministère de la Communication, 1995). Mais l’opposition entre le statut de la Fonction publique et le statut du journaliste professionnel n’est pas pour autant résolue dans la mesure où le premier ne permet pas les “largesses” que le second accorde.
- Valeur de la carte de presse
Pour bénéficier de la carte de presse, l’intéressé doit déposer un dossier auprès de la Commission de la carte professionnelle. Une commission qui, logiquement, ne doit pas être administrative, sinon elle s’alignera toujours sur les positions du pouvoir et qui ne doit pas être composée exclusivement de journalistes, sinon elle versera dans le corporatisme.
Afin de l’adapter aux conditions de l’indépendance, l’arrêté qui en fixait initialement la composition a été modifié par le décret du 4 janvier 1958 qui stipule que cette commission comprend le ministre de la Communication ou son représentent (à titre de président), un représentant du Cabinet royal, un représentant du ministère de l’Intérieur, quatre directeurs de quotidiens, périodiques ou agences d’information désignés par le ministre de la Communication, quatre journalistes désignés par le ministre de la Communication.
Comparée à son homologue français[24], la commission marocaine passe – telle qu’elle est actuellement composée – pour un organe gouvernemental… avec tout ce que cela implique pour la délivrance de la carte de presse et la liberté d’expression. Certes, le journalisme est au
Maroc comme dans d’autres pays de référence une profession libre sans conditions d’accès. Il y va de la liberté de communication, pierre angulaire de toutes les autres libertés[25]. Mais c’est la possession de la carte de presse qui, seule, atteste de la qualité de journaliste auprès des administrations, au même titre – dans des domaines certes différents – que la carte d’identité, le passeport ou la déclaration d’impôts.
Se pose alors une question importante : la carte de presse marocaine est-elle “constitutive” ou “déclarative” de droit ? La réponse est importante parce que le bénéfice des avantages prévus par le dahir du 18 avril 1942, sont liés à l’obtention de la carte de presse, délivrée après étude de dossier. Or, normalement, le pouvoir d’appréciation de la Commission devrait se limiter à constater une situation, un état. La doter de plus de pouvoir d’appréciation reviendrait, au vu de sa composition “très gouvernementale”, à censurer les plumes, les voix et les figures de l’opposition en leur refusant l’obtention de la carte. La carte n’est rien, mais sans elle tout se complique et les difficultés se font insurmontables.
Section 2 : Particularités du statut de journaliste professionnel au Maroc
Le dahir du 18 avril 1942 est assez mal compris. Pour certains, ce texte est une hérésie juridique. Les journalistes sont comme tous les autres salariés, justiciables du Code du Travail. Si tant est que les journalistes méritent un statut qui leur soit propre, pourquoi n’en serait-il pas de même pour toutes les autres professions ? Pour d’autres, faire un texte pour les salariés des médias constitue une atteinte à la liberté d’opinion et d’expression des journalistes. Pour d’autres enfin, la carte de presse, avec ce que cela suppose comme sélection et réglementation de la profession, est fort utile. C’est un faire-valoir auprès de l’administration, du public ou de l’employeur quand on rechigne à leur reconnaître leurs droits.
- Une copie aménagée du texte français
Le dahir du 18 avril 1942 date du temps du protectorat français. Il est la copie de la loi Henri Gernut du 29 mars 1935 promulguée par le président Albert Lebrun à la suite de houleux débats au Parlement, de remontrances du Bureau international du travail (1927). Cette commission regroupait des représentants du gouvernement, les employeurs (la Fédération nationale des patrons de France, le Syndicat de la presse parisienne, le Syndicat des quotidiens régionaux, le Syndicat de la presse d’opinion) et les journalistes (le Syndicat national des journalistes, le Comité général des associations de presse).
Au Maroc, le dahir du 18 avril 1942a été pris du temps du protectorat français, pendant la Seconde Guerre mondiale, à un moment où les Marocains ouvraient pour leur indépendance, entre autres par voie de presse (julien, 1982). Militants, ils étaient légalement exclus du bénéfice du statut. Les seuls journalistes professionnels, quelques dizaines, étaient tous français. Actuellement, quasiment tous marocains, ils sont 1 164 d’après les chiffres de la Commission de la carte de presse.
Le droit marocain est, pour la plupart de ses textes, repris sur le droit français. Ce qui le crédite de toutes les valeurs démocratiques propres à celui-ci : légalité, égalité, liberté et pluralisme. Mais pour les spécialistes français du droit comparé, beaucoup de dirigeants des pays anciennement colonisés par la France – moins soucieux du respect des libertés publiques et dont la législation est présentée comme largement inspirée du droit français, qui leur sert de couverture ou de justification – en font un usage fréquemment sévère et en marge de toute 1égalité[26].
- Le statut réglemente les conditions de travail du journaliste et non pas sa liberté d’expression
Contrairement à une idée largement reprise par les milieux de la presse et de la communication, le dahir du 18 avril 1942 ne réglemente pas la liberté d’expression du journaliste. Sur les colonnes de la presse écrite et à l’occasion de débats sur la liberté de communication au Maroc, les réquisitoires contre ce texte sont fréquents. Parce qu’il date du temps du protectorat français, que les journalistes n’en ont pas besoin et que les démocraties ignorent ce genre de réglementation. La stupéfaction des gens de la presse n’est pas rare quand ils apprennent que, juridiquement, le statut de 1942 ne réglemente que leurs conditions de travail sans plus. D’ailleurs, la loi française de 1935, largement reprise par le dahir du 18 avril 1942, fait partie du Code du Travail[27]. Il en est de même en Tunisie, au Luxembourg, en Belgique, au Portugal, etc. Au Maroc, le texte portant statut du journaliste professionnel est toujours à part parce que le pays ne dispose pas encore de Code du Travail. Un projet a été déposé devant le Parlement depuis des années, mais il n’est toujours pas adopté.
Pour dissiper toute confusion, on peut reprendre les conclusions de spécialistes en la matière pour qui le dahir du 18 avril 1942, au vu de l’originalité et de la sensibilité de la profession de journaliste, a pour objectif légal d’accorder des garanties conséquentes aux salariés de la presse en raison de leurs conditions de travail toutes particulières (Mollard,1963). Mais la confusion n’est pas pour autant levée. Vu l’application qui est faite du texte, la délivrance de la carte de presse reste du ressort d’une commission à dominante étatique. Elle instruit les dossiers d’une façon qui est très critiquée par les gens de la profession[28]. La carte de presse ne permet certes pas grand chose quant à la recherche de l’information, mais sans cette fameuse carte, un correspondant de presse n’est rien devant l’administration. Il ne peut filmer un événement, mener une enquête ou tendre le micro à des grévistes. Il lui faut une autorisation administrative.
La liberté d’expression était paisiblement réduite au Maroc de « l’après 16 Mai ». La presse s’est trouvée dans une situation délicate, prise au piège entre les services de sécurités et les terroristes. Plusieurs journalistes ont été arrêté et condamner au terme de l’article 218-2 de la loi antiterroriste( le journal Al ahdat Al maghribia ).
- Les avantages et garanties accordés à la profession
Les journalistes marocains titulaires de la carte de presse bénéficient directement des garanties prévues par leur statut et indirectement des avantages institués par la lettre royale du 19 décembre 7986 sous forme d’aide à la presse écrite.
A l’exception de la clause de conscience, les garanties consenties aux journalistes professionnels sont communes à tous les autres salariés. Le dahir du 18 avril 7942 distingue deux catégories de journalistes : « le salarié à plein temps et le pigiste. Le premier est tenu à un certain nombre d’obligations vis-à-vis de son employeur, auquel il doit des comptes. Il reçoit de lui ordres et directives sur ce qu’il doit faire et la façon de le faire. Il est astreint à une présence. Il a une place dans l’organisme intégré dans une hiérarchie au sein de l’entreprise (…) même si pour tenir compte de la spécificité de la profession et garantir leur liberté, la notion de subordination ne se conçoit pas, pour les journalistes, avec la même rigueur ou les mêmes contraintes que celles qui sont ordinairement admises en droit commun »[29]. Le second est une personne qui apporte une contribution occasionnelle à un ou plusieurs organes de presse en même temps selon un contrat tacite ou formel de louage de services, d’ouvrage ou d’entreprise. Rémunéré à la pige, il est indépendant et doit sa qualité de journaliste professionnel au fait qu’il en tire le principal de ses ressources nécessaires à son existence.
En cas de licenciement, quelle qu’en soit la cause, un délai de préavis est à respecter. Il permet au journaliste ou à l’employeur de se mettre, dans des conditions convenables, à la recherche d’une solution de rechange. Le délai de préavis est fonction de la durée d’exécution de contrat de travail et doit permettre à la personne licenciée de consacrer un certain nombre d’heures à la recherche d’un nouvel emploi (article 6).
Si les dispositions relatives au repos hebdomadaire et au congé des journalistes sont communes à tous les salariés, l’indemnité de congédiement, telle que prévue par l’article 7 du statut, est propre à la profession. L’article en question en précise le montant et renvoie à la Commission arbitrale lorsque la durée des services excède 15 ans, ou en cas de faute grave ou de fautes répétées.
D’une façon générale, c’est le contrat de travail réel ou présumé entre le journaliste et l’organe de presse qui détermine les droits et les obligations des deux parties. Selon l’article 9, tout travail non prévu par le contrat fait sur ordre de la direction de l’entreprise comporte une rémunération supplémentaire.
Au Maroc comme en France, les journalistes sont, de par leur statut, la première catégorie de travailleurs à bénéficier du congé annuel payé. L’article 10 du dahir du 18 avril 7942, précédant en cela le dahir du 9 janvier 7942 relatif aux travailleurs du secteur privé et dérogeant à ses principes généraux, prévoit que les journalistes professionnels liés à une entreprise de presse ont droit à un congé d’une durée minimum d’un mois.
Comme l’a rappelé la Cour de Cassation en France, l’employeur n’est pas dans l’obligation d’assurer à un pigiste la rémunération d’un nombre d’articles déterminés dans un temps donné[30]. Les variations de l’actualité imposent parfois de surseoir à la publication de papiers dûment commandés par l’employeur et programmés par le secrétariat de rédaction. Mais pour protéger le pigiste, tout travail commandé est payé.
Il en va de même pour un correspondant travaillant pour le compte d’une publication, mais sans recevoir d’instructions concernant le choix des événements dont il entend assurer la couverture ou concernant le contenu des articles et sans présence minimale au journal ou d’horaires à respecter. Le fait que le journal loue ses services sans publier nécessairement tous ses articles l’investit de la présomption de salariat[31].
Section 3 : Le droit d’accès à l’information : une nécessité pour la réussite du processus démocratique au Maroc.
Dès 1993, le roi Hassan II déclarait, dans un discours prononcé lors du premier colloque national sur l’information : « L’information, aujourd’hui, fait partie des droits du citoyen et par conséquent elle est une partie intégrante des droits des sociétés. (…) Nous poursuivrons au maximum nos efforts pour permettre aux médias de s’acquitter pleinement de leur rôle d’information et faire en sorte que les citoyens puissent jouir de ce droit ». Le passage de ce discours consacre, au sommet de l’État marocain, le principe du « droit d’accès aux sources d’information » comme le souligne la Loi n° 21-94 relative au statut des journalistes professionnels[32] de 1995, qui reprend cette déclaration du Souverain dans l’exposé de ses motifs.
Le Maroc a ratifié un certain nombre de conventions internationales qui ont des dispositions en faveur du droit à l’accès à l’information.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, entré en vigueur en 1976, a été ratifié par le Maroc en 1979; il fait état dans son article 19 du droit à la liberté d’expression qui « comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix », tout en précisant que ce droit peut « être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi » (respect des droits ou de la réputation d’autrui; sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques).
- L’avancée majeure de la nouvelle Constitution de 2011
En 2011, le Maroc a fait un grand pas en faveur du droit d’accès à l’information publique. Alors que la Constitution de 1996 proclamait la liberté d’opinion et d’expression sans évoquer ce droit[33], la nouvelle Constitution, adoptée par référendum le 1er juillet 2011, consacre dans son Titre II « Libertés et droits fondamentaux », pour les citoyennes et les citoyens « le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public. » (Article 27). En ce qui concerne les limitations de ce droit, la Constitution renvoie à la loi en mentionnant « tout ce qui concerne la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’État, ainsi que la vie privée des personnes » et « l’atteinte aux droits et libertés » [34].
- l’accès aux sources d’information :
Au Maroc, le Maghzen (appareil d’État) préside à tout et intervient partout. Fort d’une administration centralisée et généralisée à tout le pays, il décide de tout, sans partage, conserve à titre exclusif documents, études et archives de toutes sortes et arrête ce qui doit être publié et ce qui doit être tu et constitue, de ce fait, une source d’information incontournable. Une information à prendre quand même avec les précautions d’usage.
Telle qu’instituée par le dahir du 18 avril 1942,la carte de presse n’investit son titulaire d’aucun droit ou privilège d’accès aux sources d’information, ce qui calme toute vélléité d’investigation et réduit alors le travail journalistique, comme c’est le cas, à la reproduction des communiqués et autres discours officiels. La révision du 22février 1995 a introduit une disposition qui préconise le droit d’accès du journaliste aux sources d’information, mais uniquement « dans le cadre de la législation en vigueur ». Vu les obligations qui pèsent sur le fonctionnaire marocain et qui l’autorisent à refuser la communication de toute information, sensible ou ordinaire, et à soustraire de son propre chef des dossiers ou partie de dossiers à la consultation sans justification ni rappel, en invoquant simplement la confidentialité ou une raison de service, les possibilités juridiques d’accès aux sources sont finalement très limitées. Ce qui réduit, voire annule, la portée de cette révision introduite pourtant avec beaucoup de tapage.
Pour ce qui est de l’accès aux sources privées d’information, cela dépend du journaliste et de ses relations. Mais à ce niveau, la problématique se pose en d’autres termes. Pour des raisons de déontologie, d’intérêt ou de sécurité, le journaliste a-t-il le droit de taire ses sources d’information quand les données qu’il révèle sont sensibles, litigieuses, attentatoires à la réputation d’autrui ou divilguées à dessein ?
Avant de répondre à cette question, il ne faut pas oublier qu’il est des batailles qui se livrent par journalistes interposés et qu’il est fréquent que ceux-ci se fassent les confidents de citoyens qui, excédés par les exactions et l’arbitraire de l’administration et autres officiels, s’adressent à eux en dernier recours. Certaines professions comme les avocats et les médecins ont droit au secret professionnel. Les journalistes, pas tout à fait. En France comme en Europe communautaire, a la protection des sources journalistiques est, depuis quelque temps, considérée comme un fondement sacré de la liberté de la presse. On ne peut déroger à sa sacralité qu’au seul cas où il serait démontré une justification résultant d’un « impératif prépondérant d’intérêt public ». Au Maroc, le secret des sources n’est même pas encore débattu.
Enfin la première mouture de la très attendue loi 31-13. Le texte relatif au droit d’accès à l’information (initié par le ministère de la Fonction publique et prévu par l’article 27 de la Constitution) a été adopté par le Conseil de gouvernement jeudi 31 juillet. Présentée comme «une révolution», cette loi comporte toutefois une batterie de restrictions et de sanctions (voir article 7). Le texte comprend 29 articles, divisés en 4 titres: principes généraux, gestion de la publication anticipée, procédure d’accès à l’information, sanctions et dispositions finales.
- L’article 7 et ses inquiétantes barrières
L’article 7 est une douche froide à tous ceux qui s’attendaient à un accès ouvert à l’information. En effet, cet article restreint l’accès aux informations «pouvant porter atteinte» aux relations avec un autre pays ou une organisation gouvernementale, à la politique monétaire, économique et/ou financière du pays. Ou encore, les droits à la propriété industrielle et les droits d’auteur ainsi que les informations concernant les victimes, témoins et dénonciateurs de crimes touchant à la corruption et à l’abus de pouvoir. Le législateur va encore plus loin en érigeant un embargo sur le secret des délibérations des Conseils de gouvernement et des ministres, le secret des recherches et investigations administratives. S’y ajoute un black-out sur les procédures pénales et enquêtes préliminaires sauf accord des autorités judiciaires, les principes de libre concurrence, d’initiatives privées ou encore la protection des sources. Dans le cas où la demande d’information comporte des éléments touchant aux domaines énumérés. La loi prévoit de «caviarder» les parties jugées sensibles avant de remettre l’information au demandeur (article 8). Autre bémol de ce texte de loi, une sanction de 1 à 6 mois de prison et une amende allant jusqu’à 10.000 DH (article 466) pour toute personne ayant divulgué des informations citées dans l’article 7 assimilé au secret professionnel.
- Le droit de recours institué, mais sans sanction en cas de rétention d’information
Sur le volet modalités d’accès à l’information, les demandeurs devront bien préciser l’objet de la requête (article 14). La demande devra être présentée sous forme de formulaire comportant les informations personnelles du demandeur: nom, prénom, adresse physique et électronique (article 15). Les informations pourront être consultées directement dans les locaux de l’instance concernée, par courrier électronique ou sous tout autre support disponible (article 16). L’administration sollicitée pour une demande d’information est dans l’obligation de fournir une réponse dans les 30 jours suivant la requête. Une durée renouvelable au cas où l’administration n’arrive pas à répondre dans les délais impartis mais le demandeur doit en être informé (article 17). En cas d’un refus total ou partiel d’une demande, l’instance sollicitée doit motiver sa décision (article 19). Dans ce cas de figure, le citoyen/demandeur peut adresser une plainte au responsable de l’instance dans les 30 jours qui suivent le refus (article 20). Si le refus est maintenu, le recours à un médiateur est préconisé dans un délai de 30 jours suivant le 2e rejet (article 21). Un ultime recours a été prévu par le législateur au cas où le médiateur refuse à son tour la demande d’information. Donc le citoyen peut recourir à la justice, dans les 60 jours qui suivent le rejet.
La loi 31-13 introduit des aspects positifs comme l’autorisation d’accès à l’information aux étrangers résidant au Maroc (article 4). Par information, le législateur entend toutes données, rapports et statistiques établis par l’administration publique, qu’elles soient sous forme de chiffres, dessins, photos, enregistrements audiovisuels ou sous tout autre format. Les instances concernées sont les administrations publiques, les 2 chambres du Parlement, les communes et les institutions publiques (article 2). Force est de préciser que l’utilisation des informations divulguées par les pouvoirs publics est conditionnée par la mention de la source, à condition que le contenu ne subisse aucun changement. Dans le cas contraire, cela est assimilé à une atteinte à l’intérêt général (article 6).
Partie 2 : la spécialisation en journalisme un impératif professionnel
La presse spécialisée ou le journaliste spécialisé signifie à côté de l’une des préoccupations des lecteurs à aspirer vers la connaissance et la recherche de plusieurs d’entre eux, et ne constitue pas la presse au public ou de la société dans son ensemble, mais est limitée à un secteur particulier de lecteurs.
Les transformations actuelles du métier de journaliste conduisent à s’interroger sur le rôle de nouveaux entrants intervenant dans la « production » de l’information, Face à l’évolution de la situation politique et économique de la société, issue de la révolution du printemps arabe, Les dirigeants de la presse tendent au recrutement de journalistes spécialisés dans différents domaines. Cette préoccupation s’inscrit dans le cadre de nouvelles logiques des médias visant à faire évoluer l’information. Elle est en ce moment au cœur d’un débat public et politique. Il s’agit de répondre aux questions que les lecteurs se posent, des questions simples qui relèvent des pratiques quotidiennes. Il s’agit aussi de répondre aux attentes d’un public assoiffé d’informations crédibles après de longues années d’atteinte aux libertés d’opinion et d’expression.
Section1 : Statut du journaliste professionnel : De nouvelles règles pour accéder au métier
en attendant le nouveau statut du journaliste professionnel va enfin voir le jour. Partie intégrante du nouveau Code de la presse, le projet de loi 13.89 portant sur le statut du journaliste professionnel vient mettre un peu plus d’ordre dans le métier. Détaillant les droits et les obligations du journaliste professionnel, les différentes catégories de journalistes et les relations de travail qui les lient aux entreprises de presse, ce nouveau projet veut régulariser l’accès au métier. Composé de 29 articles, le projet en question définit les personnes éligibles à l’acquisition de la carte de presse professionnelle. Dans ce sens, le texte précise que la carte est octroyée pour une durée d’une année et porte le nom et la fonction du journaliste ainsi que le nom du support de presse dans lequel il exerce la profession. Pour avoir la carte, cinq conditions sont à remplir. Il s’agit pour le journaliste de justifier d’une période de stage d’au moins deux ans dans le secteur de la presse. Cette durée passe à une année pour les personnes titulaires d’une licence ou d’un diplôme spécialisé en journalisme. Le demandeur de la carte de presse professionnelle devra aussi prouver que le journalisme est sa principale activité professionnelle et sa principale source de revenus et qu’il n’est salarié d’aucun pays ou organisation étrangers. La quatrième condition à remplir est d’avoir un casier judiciaire vide de toutes condamnations relatives aux fraudes, à l’escroquerie, à la corruption ou autres crimes et délits relevant des compétences du Conseil national de la presse. Le journaliste devra aussi s’engager à respecter les différentes lois régissant le secteur. Le nouveau projet accorde aux journalistes la possibilité de collaborer avec plusieurs supports à la fois, à condition d’avoir l’aval de son employeur principal. Ainsi, le journaliste ne peut être salarié que d’une seule entreprise de presse.
- Conseil national de la presse : Vers une auto-régulation des métiers de la presse
Le secteur de la presse se dirige vers l’auto-régulation, un Conseil national de la presse sera créé à cet effet. Doté de la personnalité morale et de l’indépendance financière, le Conseil aura pour objectif la promotion de la déontologie de la presse telle qu’elle est reconnue universellement. Composante importante du Code de la presse, le nouvel organisme se chargera, selon le projet de loi organisant son travail, de mettre en place une charte déontologique pour la profession. Il veillera, entre autres, au respect de la liberté de la presse et accordera la carte de presse professionnelle. Le conseil aura aussi un rôle d’arbitrage. Il aura la charge de trancher dans les différentes affaires qui lui seront soumises et qui concernent les journalistes et les institutions de presse n’ayant pas respecté les lois en vigueur.
S’agissant de son organisation, le Conseil comptera au total 21 membres, dont sept représentants élus par les journalistes professionnels et sept élus par les éditeurs de journaux. Les sept membres restants compteront parmi leurs rangs un représentant du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et un représentant du Conseil supérieur de la magistrature.
Après l’élaboration et l’adoption de son règlement intérieur, le Conseil sera organisé en cinq commissions permanentes. Il s’agit d’une commission de l’éthique et des affaires disciplinaires, une commission d’octroi de la carte de presse professionnelle, une commission de la formation, des études et de la coopération, une commission de médiation et d’arbitrage, ainsi qu’une commission chargée des organismes de presse et de la mise à niveau du secteur.
Le Conseil national de la presse aura l’autorité d’imposer des sanctions disciplinaires aux journalistes et aux organisations professionnelles du secteur : des avertissements, des blâmes ou des retraits provisoires de la carte de presse sont les sanctions qu’encourent les journalistes. Les institutions ne respectant pas les règles établies risquent, quant à elles, des sanctions financières allant de 5.000 à 50.000 dirhams. Le Conseil pourra aussi adresser une demande aux autorités compétentes pour priver certaines institutions des subventions étatiques pour une durée ne dépassant pas les trois ans.
- Formation et répartition par sexe et par média
Au Maroc comme dans d’autres pays, est journaliste quiconque manie la plume, la caméra ou le micro ou loue les services de quelqu’un qui le fait à sa place. Tout le monde peut se prétendre journaliste ou se faire engager comme tel. C’est la profession du < tout-venant ” (Ruellan,op. cit.). Aucun diplôme, expérience, grade ou examen n’est exigé. Ce qui est normal pour une profession qui parle de tout, au carrefour de mille et un métiers, qui a besoin d’hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, intellectuels ou racoleurs. Cela tranche avec l’orthodoxie de certaines professions comme la médecine, mais c’est salutaire pour la liberté d’opinion et d’expression parce que pour la limiter, il suffit d’encadrer l’accès au métier de journaliste.
Les journalistes titulaires de la carte de presse au Maroc sont pour la plupart généralistes : les spécialistes sont rares. Et pour cause, les rubriques et magazines spécialisés ne sont pas courants et les seuls qui existent sont plats et sans aucune pertinence. Issus, pour les vétérans, du mouvement d’indépendance et pour les jeunes d’un jeu de recrutement qui mêle “clientélisme” et compétence, ils sont formés sur le tas, “politiquement” engagés ou au service du discours officiel. Ils sont à 74% de sexe masculin, souvent bilingues (arabe / français en général), mais avec une signature de portée limitée.
Section 2 : les exceptions relatives aux réquisitions du Ministère public ou de la partie civile.
Il y a des réquisitions très graves pour les journalistes, et il s’agit :
1-Réquisition de l’interdiction d’exercer la profession de journalisme
Il faut soulever que cette réquisition constitue une mesure préventive conformément à l’article 87 du Code pénal : «l’interdiction d’exercer une profession, activité ou art doit être prononcée contre les condamnés pour crime ou délit, lorsque la juridiction constate que l’infraction commise a une relation directe avec l’exercice de la profession [….], et qu’il y a de graves craintes qu’en continuant de les exercer, le condamné soit un danger pour la sécurité, la santé, la moralité ou l’épargne publiques…. ». Ce cas ne s’applique pas à la presse, le Code de la presse ne stipule pas cette peine et aucun de ses articles ne s’y réfère.
Primo, cet article s’applique aux métiers qui ont un rapport avec la sécurité des personnes (tel que le policier ripoux) ou leur santé (le boucher qui triche dans la vente des viandes) ou leur moralité (l’éducateur qui porte atteinte à l’intégrité de ses élèves) ou sur le fonds des épargnants (le banquier qui puise dans les fonds des clients).
Secundo, le Code de la presse stipule des peines qui correspondent aux publications qui constituent des délits, qu’il s’agisse de la sécurité, la santé, la moralité ou les stupéfiants.
Tercio, le fait d’interdire à un journaliste d’exercer sa profession est chose pratiquement impossible, tant qu’il a le droit de s’exprimer par voie de presse ou par d’autres moyens, même s’il n’est pas directeur de publication ou ne travaille pas pour une publication. En outre, cette interdiction ne peut être imposée au journaliste en dehors des frontières, ni à ses publications par les média électroniques. Par conséquent, l’interdiction d’exercer le métier ne constitue pas une mesure préventive dans les affaires de presse et n’aura pas d’effet. Elle portera atteinte à la réputation de la justice et discréditera le pays dans lequel ce jugement serait rendu.
2- Réquisition d’incarcération ou d’arrêt du journaliste immédiatement après le jugement :
Parfois, le ministère public requière l’application des articles 400 et 425 de [l’ancien] Code de procédure pénale, et l’incarcération du prévenu déclaré coupable.
D’une part, l’ancien article 400 constitue une exception à la règle qui stipule que la personne poursuivie en état de liberté n’est incarcérée que lorsque la condamnation devient définitive. D’autre part, on suppose que l’incarcération vise une personne dont la liberté constitue un danger ce qui nullement le cas du journaliste.
Le contenu de l’article 400 a été reformulé, autrement, dans l’article 431 du [nouveau] Code de procédure pénale qui attribue à la Chambre criminelle de la Cour d’appel la compétence d’ordonner l’arrestation du prévenu condamné à une peine de prison même s’il comparaît en état de liberté et même sans réquisition du ministère public. Nous considérons qu’il n’est pas permis de procéder à l’incarcération du journaliste poursuivi en état de liberté. C’est, à notre avis, l’état dans lequel devraient être poursuivis les journalistes accusés de délits de presse.[35]
bibliographie :
les textes juridiques :
- la constitution marocaine du 1 juillet 2011
- Dahir n° 1-95-9 du 22 ramadan 1415 (22 février 1995) portant promulgation de la loi n° 21-94 relative au statut des journalistes professionnels
- le code de la presse marocaine de 1958
- Déclaration Universelle des Droits de l’homme de 1948
- le pacte international relatif aux Droits Civils et Politiques
- مشروع قانون رقم 90.13 القاضي بإحداث المجلس الوطني للصحافة
- ظهيرشريف رقم 9-95-1 صادرفي 22 من رمضان 1415 (22 فبراير 1995) بتنفيذ القانون رقم 94-21 المتعلق بالنظام الأساسي للصحفيين المهنيين
- ظهيرشريف رقم 1.02.207 الصادرفي 25 رجب 1423 (3 أكتوبر 2002) بشأن قانون الصحافة بالمغرب– 2003
Les articles :
- Saïd Essoulami, « plaidoyer pour le droit d’acces a l’information au maroc », novembre 2005.
- Transparency international : “L’accès à l’information publique en Tunisie”,, http://transparencymaroc.ma/uploads/raports_maghrebins/ACINFO_Tunisie.pdf. Page consultée le 29 Mars 2016.
- Perrine Canavaggio, et Alexandra Balafrej, « VERS UN DROIT D’ACCES A L’INFORMATION PUBLIQUE AU MAROC », étude comparative avec les normes et les meilleurs pratique dans le Monde 2011,p: 7.
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[1] L’article 25 de la nouvelle constitution 2011.
[2] L’article 28 de la constitution 2011
[3] -Au début des années 1960, deux chercheurs américains, adeptes de l’école du “fonctionnalisme” se proposent de déterminer le degré de professionnalisme chez les journalistes en utilisant quatre critères : la formation, le caractère technique du savoir,Ie rôle social, la responsabilité et la structure du groupe.
[4] La loi de 7963 réformant l’Ordre des journalistes en Italie lui attribue deux fonctions principales : veiller sur l’examen d’accès à la profession et faciliter l’obtention d’avantages (réductions sur les moyens de transport).
[5] En Grande-Bretagne, Ia problématique se pose en termes de déontologie de la profession. Une déontologie que les journalistes tiennent à établir eux-mêmes. Mais depuis l’échec de l’expérience du Press Council créé en 1953 et la mise sur pied de la Press Complaints Commission en 1991 par le gouvernement, le législateur semble gagner du terrain dans ce domaine historiquement soustrait à sa compétence.
[6] -Bureau International du Travail (1927), Conditions de vie et de travail des journalistes, Documents Bleus, Série L, Genève.
[7] Voir sa feuille d’information FIJ en Ligne Directe
[8] Voir sa revue mensuelle actuellement disparue Le journaliste démocratique
[9] Le dahir du 3 janvier 1958 a supprimé les formules faisant état du protectorat français et adapté le texte à l’indépendance du pays
[10] Le dahir du 22 février 1995 a élargi la définition de journaliste professionnel
[11] « Laurent Fabius » s’interroge sur les aides financières de l’État à la presse “, Le Monde, 30 avril 98, p.22.
[12] Ahmed HIDASS, Les cahiers du journalisme N°8 décembre 2000 p :4
[13] op cit p :4
[14] op cit p :4
[15] Cf . Affaire Rivière C/Maroc Presse. Procès verbal de la réunion de la commission du 9 octobre 1956. Archives du Ministère de la Communication. Affaire Devos C/Stê Marocaine de Presse, Arrêt du tribunal de Première Instance, Casablanca ,27 mars1957
[16] Ce complément de définition est confirmé par la cour d’appel d’Angers qui avait jugé que…. est journaliste professionnel s’il reçoit des appointements fixes et occupe son emploi de manière principale, régulière et rétribuée, et il en tire le principal de ses ressources “. Arrêt Société Ouest-France C/ M.Mouton, C.A. d’Angers (3” Ch), 19 septembre 1996.
[17] Voir deux arrêts du24 février 1993 de la Cour de Cassation.
[18] Article 1458 du Code général des impôts français.
[19] Voir pour l’interprétation du terme ” publication’’ au sens de l’article L-761-2 du Code du Travail deux arrêts contradictoires du Conseil d’Etat : Arrêt Benoît et autres. C.E.,12 janvier 7977 ; Arrêt Thory et autres, C.E., 30 juin 1997
[20] la ” Lettre royale adressée au Premier ministre au sujet de la presse nationale’’ et pour les montants d’aide accordés à la presse marocaine : ministère de la Communication, Ln presse Marocaine (en arabe), Rabat, Cahiers de la Documentation Marocaine, numéro spécial, novembre 1997, pp.51-60.
[21] Emmanuel DERIEUX , Droit de la Communication,2éme êd.,1994 , Paris, LGDJ , p.320
[22] Ahmed HIDASS ( 1989), « Le statut de la presse au Maroc » La presse au Maghreb : réalités et perspectives, ouvrage collectif sous la direction de W.S. FREUND (1989), Deutsches Orient-Institut, Hambourg, p.167 -205
[23] Ahmed HIDASS, op cit, p :8
[24] Aux termes de l’article R-761-5 du Code du Travail modifié par décret du26 février 1985, ” la Commission de la carte se compose de 16 membres : huit représentants des employeurs dont sept au titre des directeurs de journaux et agences de presse et un au titre des entreprises de communication audiovisuelle du secteur public et huit représentants des journalistes professionnels. Les représentants des employeurs sont désignés par les organisations les plus représentatives. Les représentants des journalistes sont élus par les journalistes titulaires de la carte “
[25] Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, 49 (I) de 1946.
[26] E. DERIEUX, op.cit.,p.II,75
[27] La loi française porte la référence L-761 CT du Code du Travail.
[28] Syndicat national de la presse marocaine, Rapport annuel sur les conditions des journalistes et de la presse au Maroc (en arabe), (1997), p.7.
[29] E. DERIEUX, op.cit, p.331
[30] Affaire Schapire C/Prisma Presse, Cour de Cassation (Ch. Soc.), Arrêt du 9 juillet 1996
[31] Affaire Ouest-FranceC /1. Coudurier, Cour de Cassation (Ch. Soc.),Arrêt du 1er février 1995
[32] Dahir n°1-95-9 du 22 ramadan 1415 (22 février 1995) portant promulgation de la loi n° 21-94 relative au statut des journalistes professionnels
[33] Constitution du Royaume du 13 septembre 1996, Article 9.
[34] Constitution de 2011, Article 27 : « Les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public. Le droit à l’information ne peut être limité que par la loi, dans le but d’assurer la protection de tout ce qui concerne la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’État, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans la présente Constitution et de protéger des sources et des domaines expressément déterminés par la loi. »
[35] Abdelaziz NOUAYDI, « Guide à l’intention des Journalistes et des Avocats », 2015, p :41